De vieilles traductions très très imprécises
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De vieilles traductions très très imprécises
Je viens de relire un bouquin que j'avais lu étant enfant : Les Chasseurs d'or, de James Oliver Curwood. J'ai l'édition de la vieille bibliothèque verte (couverture entièrement verte avec des traits horizontaux dorés). La traduction est de Paul Gruyer et Louis Postif. Louis postif a traduit de nombreux auteurs anglo-saxons dans les années 20 et 30, notamment Curwood, Jack London, mais aussi Agatha Christie.
Quand j'étais gamin, j'ai lu ces livres avant de savoir un mot d'anglais. Aussi, j'avais beaucoup de mal avec les mots anglais que le traducteur avait laissé : outlaw, Wild, Northland, etc. Par exemple, je prononçais Wild "vilde" au lieu de "ouailde", car je ne savais pas prononcer l'anglais. C'était un mot extraordinaire que je n'arrivais pas à cerner. J'avais aussi du mal avec le fait qu'il n'y avait souvent aucune illustration ou explication. Je ne comprenais pas vraiment le contexte : quand on est un jeune enfant, difficile de savoir où ça se passe ni à quelle époque. Les éditions récentes ont plein d'explications pédagogiques et de dessins, mais à l'époque, que dalle.
Lisant à peu près couramment l'anglais maintenant, je mets donc un coup de google pour trouver le livre original, en anglais et en pdf. Je compare quelques passages, et là je suis franchement horrifié. Les traducteurs (et peut-être les éditeurs) se sont permis de modifier largement la version française. Ces modifications, des plus subtiles au plus grossières :
- le rythme, le style, ne sont pas du tout respectés.
Exemple :
' First it was sound ; then it was scent--then both, and the wolf sped in swift fight up the sunlit ridge".
Traduction de la bibliothèque verte :
"A l'odeur qu'il avait flairée s'ajouta bientôt la perception nette d'un son. L'un et l'autre ne tardèrent pas à se conjuguer, et le loup, abandonnant décidément le terrain, prit sa course, à toute allure, sur la côté ensoleillée, vers un boqueteau où il disparut".
D'une phrase courte, dynamique, rythmée, d'une vingtaine de mots, le traducteur fait deux phrases, lourdes et peu rythmées, comptant plus du double de mots.
- la traduction est approximative : le traducteur enlève des mots ou en rajoute.
L'exemple précédent peut être repris : d'où sort "vers un boqueteau où il disparut" ? Ca n'est pas dans le texte original, mais le traducteur ajoute ça, sorti de son chapeau.
Un exemple avec ce mot qui m'avait posé tant de problème étant enfant : le traducteur utilise le mot The Wild, et se fend d'une note de bas de page disant que c'est un mot intraduisible. Nul doute pour le lecteur que c'est un mot laissé tel quel depuis l'original. Eh bien non, le traducteur invite un mot anglais qui n'est pas dans l'original ! En effet, là où le traducteur utilise "Wild", l'auteur avait marqué "the forest" (la forêt), 'the great North" (le grand nord), "the wilderness" (l'étendue sauvage), "the wilds" (les contrées sauvages),"the land of the wild" (les contrées sauvages, les contrées où règne la sauvagerie). Jamais The Wild tout seul. Le traducteur forge un mot pseudo-original qu'il laisse substituer dans la version française, alors que ce mot n'est pas dans le texte original.
Un autre exemple : le traducteur dit que la mère de l'héroïne est une "ancienne princesse indienne". J'ai du mal avec le mot "ancienne" : est-ce que ça veut dire qu'elle était une princesse, mais qu'elle ne l'est plus parce qu'elle s'est mariée avec un blanc ? Est-ce que ça veut dire que sa lignée était noble de longue date ? Est-ce que ça veut dire qu'elle est vieille ?
Rien de tout ça : le mot "ancienne" n'est pas dans l'original. Curwood parle de "la princesse indienne" ou "sa mère la princesse indienne".
Le traducteur a donc décidé de rajouter un mot qui n'était pas dans l'original, alors qu'il ne fait que sonner bizarrement dans une expression peu claire.
- le récit est souvent réorganisé "localement" : une ou quelques phrases disparaissent ou, au contraire, une ou quelques phrases sont rajoutées. Des phrases sont aussi déplacées pour les mettre quelques lignes plus haut ou plus bas.
- le traducteur n'hésite pas à modifier totalement des passages, ajoutant par exemple des échanges sentimentaux (très mièvres et datés) là où ils ne sont pas ! Je suis tombé notamment sur une différence importante, tout à la fin :
Dans la version originale, la mère de Rod convie ses amis du grand nord à venir quelques temps chez elle ; ils acceptent et ce sont 7 personnes qui embarquent dans 3 canoës vers le sud.
Dans la version française, la mère de Rod veut retourner dans le sud parce qu'elle redoute de passer l'hiver dans le nord ; Rod l'accompagne car il ne veut pas la laisser voyager seule. Il y a des adieux déchirants, puis Rod et sa mère (eux deux seuls) embarquent dans un seul canoë, tandis que leurs amis du Nord restent chez eux !
C'est quand même incroyable de modifier ainsi l'histoire.
En résumé : grosse déception. Les livres que nous avons lus étant enfants, souvent des traductions anciennes, sont très infidèles à la version originale. Ils racontent globalement la même histoire, mais ne respectent pas le style ni le rythme, font des approximations importantes à presque toutes les lignes, n'hésitent pas à sauter des passages quand ça les embête (ou à les re-mélanger quelques lignes plus loin), et même à changer des éléments importants de l'histoire.
Donc, si on a envie de relire ces histoires, on aura intérêt à rechercher des traductions plus récentes ; ou de les lire en VO !
Quand j'étais gamin, j'ai lu ces livres avant de savoir un mot d'anglais. Aussi, j'avais beaucoup de mal avec les mots anglais que le traducteur avait laissé : outlaw, Wild, Northland, etc. Par exemple, je prononçais Wild "vilde" au lieu de "ouailde", car je ne savais pas prononcer l'anglais. C'était un mot extraordinaire que je n'arrivais pas à cerner. J'avais aussi du mal avec le fait qu'il n'y avait souvent aucune illustration ou explication. Je ne comprenais pas vraiment le contexte : quand on est un jeune enfant, difficile de savoir où ça se passe ni à quelle époque. Les éditions récentes ont plein d'explications pédagogiques et de dessins, mais à l'époque, que dalle.
Lisant à peu près couramment l'anglais maintenant, je mets donc un coup de google pour trouver le livre original, en anglais et en pdf. Je compare quelques passages, et là je suis franchement horrifié. Les traducteurs (et peut-être les éditeurs) se sont permis de modifier largement la version française. Ces modifications, des plus subtiles au plus grossières :
- le rythme, le style, ne sont pas du tout respectés.
Exemple :
' First it was sound ; then it was scent--then both, and the wolf sped in swift fight up the sunlit ridge".
Traduction de la bibliothèque verte :
"A l'odeur qu'il avait flairée s'ajouta bientôt la perception nette d'un son. L'un et l'autre ne tardèrent pas à se conjuguer, et le loup, abandonnant décidément le terrain, prit sa course, à toute allure, sur la côté ensoleillée, vers un boqueteau où il disparut".
D'une phrase courte, dynamique, rythmée, d'une vingtaine de mots, le traducteur fait deux phrases, lourdes et peu rythmées, comptant plus du double de mots.
- la traduction est approximative : le traducteur enlève des mots ou en rajoute.
L'exemple précédent peut être repris : d'où sort "vers un boqueteau où il disparut" ? Ca n'est pas dans le texte original, mais le traducteur ajoute ça, sorti de son chapeau.
Un exemple avec ce mot qui m'avait posé tant de problème étant enfant : le traducteur utilise le mot The Wild, et se fend d'une note de bas de page disant que c'est un mot intraduisible. Nul doute pour le lecteur que c'est un mot laissé tel quel depuis l'original. Eh bien non, le traducteur invite un mot anglais qui n'est pas dans l'original ! En effet, là où le traducteur utilise "Wild", l'auteur avait marqué "the forest" (la forêt), 'the great North" (le grand nord), "the wilderness" (l'étendue sauvage), "the wilds" (les contrées sauvages),"the land of the wild" (les contrées sauvages, les contrées où règne la sauvagerie). Jamais The Wild tout seul. Le traducteur forge un mot pseudo-original qu'il laisse substituer dans la version française, alors que ce mot n'est pas dans le texte original.
Un autre exemple : le traducteur dit que la mère de l'héroïne est une "ancienne princesse indienne". J'ai du mal avec le mot "ancienne" : est-ce que ça veut dire qu'elle était une princesse, mais qu'elle ne l'est plus parce qu'elle s'est mariée avec un blanc ? Est-ce que ça veut dire que sa lignée était noble de longue date ? Est-ce que ça veut dire qu'elle est vieille ?
Rien de tout ça : le mot "ancienne" n'est pas dans l'original. Curwood parle de "la princesse indienne" ou "sa mère la princesse indienne".
Le traducteur a donc décidé de rajouter un mot qui n'était pas dans l'original, alors qu'il ne fait que sonner bizarrement dans une expression peu claire.
- le récit est souvent réorganisé "localement" : une ou quelques phrases disparaissent ou, au contraire, une ou quelques phrases sont rajoutées. Des phrases sont aussi déplacées pour les mettre quelques lignes plus haut ou plus bas.
- le traducteur n'hésite pas à modifier totalement des passages, ajoutant par exemple des échanges sentimentaux (très mièvres et datés) là où ils ne sont pas ! Je suis tombé notamment sur une différence importante, tout à la fin :
Dans la version originale, la mère de Rod convie ses amis du grand nord à venir quelques temps chez elle ; ils acceptent et ce sont 7 personnes qui embarquent dans 3 canoës vers le sud.
Dans la version française, la mère de Rod veut retourner dans le sud parce qu'elle redoute de passer l'hiver dans le nord ; Rod l'accompagne car il ne veut pas la laisser voyager seule. Il y a des adieux déchirants, puis Rod et sa mère (eux deux seuls) embarquent dans un seul canoë, tandis que leurs amis du Nord restent chez eux !
C'est quand même incroyable de modifier ainsi l'histoire.
En résumé : grosse déception. Les livres que nous avons lus étant enfants, souvent des traductions anciennes, sont très infidèles à la version originale. Ils racontent globalement la même histoire, mais ne respectent pas le style ni le rythme, font des approximations importantes à presque toutes les lignes, n'hésitent pas à sauter des passages quand ça les embête (ou à les re-mélanger quelques lignes plus loin), et même à changer des éléments importants de l'histoire.
Donc, si on a envie de relire ces histoires, on aura intérêt à rechercher des traductions plus récentes ; ou de les lire en VO !
Barnabé- Membre Premium
- Nombre de messages : 5313
Localisation : Massif Central
Date d'inscription : 28/04/2008
Re: De vieilles traductions très très imprécises
Les Jules Vernes de la même collection sont réécris et coupés car trop long en version intégrale, du moins ceux que j'ai pu comparer.
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Philippe-du-75013- Membre Premium - Participe à rendre le contenu de nos forums plus pertinent & pragmatique
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Re: De vieilles traductions très très imprécises
Il y a le même problème avec les films. Je crois me rappeler que dans le premier Terminator, il y a une différence totale de sens entre la VF et la VO à plusieurs passages. Par exemple la scène de l'attaque du commissariat où un flic tend un gilet pare-balle à Sarah Connor.
Il y a même des séries étrangères qui ont été remontées et leurs dialogues systématiquement modifiés pour devenir tout public, du genre Nicky Larson.
"Mode modo on" : Par contre quel lien avec nos thématiques ? Direction CLub house ?
Il y a même des séries étrangères qui ont été remontées et leurs dialogues systématiquement modifiés pour devenir tout public, du genre Nicky Larson.
"Mode modo on" : Par contre quel lien avec nos thématiques ? Direction CLub house ?
Wanamingo- Animateur
- Nombre de messages : 1392
Date d'inscription : 27/07/2011
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