[Littérature] Une Femme à Berlin

Déjà 390 avant JC, le Gaulois Brennus, en adressant son historique "Vae Victis !" (malheur aux vaincus) aux romains défaits, avait parfaitement résumé la situation. Qui perd la guerre est livré au bon vouloir de l'ennemi, pour le meilleur et surtout pour le pire ! Le témoignage autobiographique qui suit illustre parfaitement cette règle immuable depuis des millénaires.

Une Femme à Berlin est un journal écrit du 20 avril au 22 juin 1945 par une jeune berlinoise anonyme. Il relate au jour le jour les bombardements alliés sur la ville, les combats des derniers défenseurs de la ville assiégée - essentiellement des membres du Volksturm trop jeunes/âgés et envoyés à une mort certaine -, la chute du Troisième Reich et l'arrivée des soviétiques avec leurs innombrables exactions, puis la survie dans les décombres. Outre la survie au quotidien, ce journal aborde la thématique du viol, un phénomène massif auquel peu d'allemandes échapperont. On estime ainsi à 100.000 le nombre de berlinoises violées dans les jours suivant la chute de la ville. 10.000 berlinoises décèderont des suites d'un viol, et à l'échelle de l'Allemagne ce chiffre monte à 240.000. L'auteur baragouine le russe, ce qui lui permet de communiquer avec l'occupant soviétique.



Résumé :
La jeune Berlinoise qui a rédigé ce journal, du 20 avril 1945 - les Soviétiques sont aux portes - jusqu'au 22 juin, a voulu rester anonyme, lors de la première publication du livre en 1954, et après. À la lecture de son témoignage, on comprend pourquoi. Sur un ton d'objectivité presque froide, ou alors sarcastique, toujours précis, parfois poignant, parfois comique, c'est la vie quotidienne dans un immeuble quasi en ruine, habité par des femmes de tout âge, des hommes qui se cachent : vie misérable, dans la peur, le froid, la saleté et la faim, scandée par les bombardements d'abord, sous une occupation brutale ensuite. S'ajoutent alors les viols, la honte, la banalisation de l'effroi. C'est la véracité sans fard et sans phrases qui fait la valeur de ce récit terrible, c'est aussi la lucidité du regard porté sur un Berlin tétanisé par la défaite. Et la plume de l'auteur anonyme rend admirablement ce mélange de dignité, de cynisme et d'humour qui lui a permis, sans doute, de survivre.

En 2003, l'auteur de ce journal a été identifiée : il s'agirait de Marta Hillers. 2 pages Wikipedia sont disponibles pour ceux souhaitant en savoir plus. Je vous invite toutefois vivement à lire le livre.
Une Femme à Berlin : https://fr.wikipedia.org/wiki/Une_femme_%C3%A0_Berlin
Marta Hillers : https://fr.wikipedia.org/wiki/Marta_Hillers

En conclusion, ce livre très prenant, détaillé et réaliste donne un aperçu glaçant de ce que signifie concrètement une défaite pour les non-combattants (femmes, enfants, personnes âgées). Il offre un point de vue féminin sur la guerre et ses horreurs, ce qui est plutôt atypique dans la littérature guerrière. Les scènes qui y sont décrites sont, hélas, récurrentes dans l'Histoire de l'Humanité, il y a donc fort à parier qu'on les reverra prochainement !

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