[Bidouille] Ressemeler soi-même ses chaussures de sport

Introduction

Au plus fort de la crise COVID et des confinements, je me suis retrouvé à devoir remplacer mes chaussures de course à pied alors que la plupart des boutiques étaient soit fermées, soit en
rupture de stock. L’idée est donc venue de donner une seconde vie à ma paire de souliers en les ressemelant moi-même.

S’il est un produit de consommation particulièrement affecté par l’obsolescence programmée et les phénomènes de mode, c’est bien la chaussure de sport ! Quand ce n’est pas la colle et les
coutures qui lâchent, ce sont les matériaux se s’autodétruisent après quelques années d’utilisation, en général au pire moment ! La désintégration de semelle ci-dessous s'est produite lors d'un passage de névé, et s'est traduite pour mon fils par des ampoules et une forte gène lors de la marche.





Selon la nature du terrain sur lequelle elle évolue, la durée de vie d’une chaussure de sport typée course est de 1000 à 2000 km. Rapidement en effet le profil de la semelle s’use, les parties textile se déchirent, la semelle se décolle… Dans le cas présent je vais remettre en état une paire de chaussures de course de milieu de gamme, achetée il me semble 60-70 euros chez Décathlon il y a déjà quelques années. La semelle est complétement rincée (une vraie savonnette !), l’amorti quasi inexistant (c’est plutôt un avantage dans mon cas), par contre la partie textile (l’empeigne) est encore en bon état. Vu le temps et l’investissement à prévoir, c’est à chacun de voir si une remise en état s’impose, d’autant que le défi est ardu : au contraire d’une chaussure de ville par exemple, une chaussure de sport présente un profil souvent torturé et des formes toutes en rondeurs, qui compliquent singulièrement l'opération de ressemelage. Evidemment, lorsqu’on n’a pas le choix, la question d’une remise en état ne se pose pas et on répare avec les moyens du bord !






Matériel

Le matériel nécessaire à l’opération de ressemelage est le suivant :
- une paire de semelles de rechange,
- de la colle contact et une spatule,
- un cutter,
- un maillet en caoutchouc ou équivalent (marteau emmailloté dans un linge par exemple)
- de la toile émeri,
- éventuellement de la superglue élastique (Pattex Ultra Gel Matic),
- une ponceuse à bande, une Dremel ou une meuleuse d’angle, si vous êtes équipé.







En terme de budget, il faut compter 20-25 euros, voire moins si l'on dispose déjà de colle contact et de superglue en stock.

J’ai décidé d’utiliser des semelles de qualité, à savoir des Vibram Zegama 1474 Megagrip, destinées au "trail" et disponibles pour une douzaine d’euros sur le net. Notez qu'en mode dégradé, des semelles de récupération, un simple morceau de caoutchouc vaguement profilé, voire la bande de roulement d’un vieux pneu peuvent tout aussi bien convenir.


Préparation

On commence par enlever la semelle interne et les lacets, puis on enchaîne avec un nettoyage des chaussures à l’aide d’une brosse, d’eau et d’un peu de savon.

Avant de les ressemeler, il convient logiquement de dessemeler les chaussures ! En général c’est plutôt facile : après quelques années d’utilisation, la colle est en fin de vie et ne colle plus grand-chose... Il suffit donc de tirer sur la semelle pour la séparer de la chaussure, au besoin à l’aide d’une pince.



Premier constat : en quoi peut donc bien consister cette innovation qu’est le "Circular System" ???  



Après arrachage de la semelle, on s’aperçoit qu’il s’agit d’un simple trou dans le talon de la semelle, faisant office de coussin d’air ! Hum… Dans l’industrie on appelle cela une "ECOTEC"
(économie technique) ou encore VA/VE (Value Analysis/Value Engineering), une "optimisation" dont le principal avantage est de faire gagner des sous au fabricant au détriment du consommateur !



Second constat : comme on le voit, la semelle présente un profil très torturé et des découpes dans tous les sens ! Il va falloir aplanir tout cela, de façon à obtenir un bon contact entre la chaussure et la nouvelle semelle.



Troisième constat : ma semelle de rechange pointure 48 est trop courte à l’avant ! Une option serait de faire une sorte de raccord entre l’extrémité de la semelle d’origine et la nouvelle semelle. Comme mes chaussures sont destinées à la pratique du "trail", j’ai décidé de tricher et d’installer un pare-pierre maison en caoutchouc.






Installation du pare-pierre

Cette partie montre comment je me suis débrouiller pour tricher sur la longueur de la semelle, mais peut s'avérer intéressante si vous rénovez des chaussures de randonnée par exemple. Le pare-pierre consiste en un morceau de caoutchouc découpé selon un patron tracé directement sur la chaussure.







On procède à quelques essais d'assemblage à blanc, et on ponce les surfaces à encoller :



Il suffit ensuite de coller le morceau de caoutchouc directement sur la chaussure au moyen de la colle contact, en veillant à respecter les temps de séchage de cette dernière.





Quelques coups de maillet, et tout est collé bombenfest ! Les bavures de colle contact s’enlèvent quant à elles facilement, au besoin à l'aide d'une pince à épiler !


Ponçage

La surface d’accueil de la semelle étant irrégulière, il convient d’enlever les aspérités. Cela peut se faire au cutter, suivi d’un ponçage à la toile émeri.



Si vous êtes équipé, je vous conseille de faire cela avec une ponceuse à bande montée sur un support : le résultat n’en sera que meilleur ! Attendez tout de même que Madame soit de sortie, car les particules de mousse et de caoutchouc ont la fâcheuse tendance à s'immiscer dans chaque recoin de la maison !  





La même opération de ponçage est à réaliser sur les nouvelles semelles, de façon à faciliter l’accroche de la colle contact.




Collage

Avant de procéder au collage proprement dit, il convient de réaliser des essais d'assemblage à blanc. J’en ai profité pour tracer des repères sur les chaussures et les semelles, de façon à garantir un bon alignement.





On commence par encoller la semelle et sa surface d’accueil.



Puis on effectue l’assemblage en respectant les repères de montage :



Enfin on assène quelques coups de maillet pour finaliser le collage ! Il ne reste plus qu’à laisser sécher, au besoin en maintenant l’assemblage avec des pinces ou en plaçant les chaussures sous un lest.


Détourage

Une fois le séchage terminé, place au détourage ! Celui-ci s’effectue avec un cutter, en suivant simplement le contour de la chaussure.



A ce stade, pour peu que le collage ce soit bien passé, on peut se contenter du résultat. Sinon, on passe aux finitions !


Finitions

Bon, il fallait s’y attendre, le collage s’est mal passé ! La pointe des nouvelles semelles est en effet trop rigide et épouse difficilement l’avant de la chaussure. La solution a été :
- de réduire par ponçage l’épaisseur de la semelle dans la zone critique afin de l'assouplir,
- d’utiliser de la superglue flexible pour coller la semelle sur la chaussure.



Enfin et surtout, si vous disposez d’une ponceuse ou d’une Dremel, un coup sur la tranche de la semelle permet d’effacer les éventuelles aspérités et d’harmoniser semelle et chaussures. Au
final on obtient cela :




Test

Résultat après une petite course dans les vignes : la semelle reste en place et tout fonctionne parfaitement !  




Conclusion

Si vous suivez Charles Sannat et son Grenier de l’Eco, vous n’êtes pas sans ignorer que les chaussures vont devenir une denrée rare dans les mois et années à venir, délocalisation de la
production en Asie, rupture des approvisionnements et hausse du prix des matières premières obligent. Savoir maintenir opérationnelles ses chaussures avec les moyens du bord est une
compétence intéressante à posséder, et surtout à la portée de tout le monde.  

Rammstein

Chapeau pour cette réparation documentée ! Mais où te procures-tu la semelle de rechange ? J'ai mes vieilles Meindl qui pourraient subir ce genre de lifting mais vu que la membrane Goretex est foutue depuis longtemps je ne sais pas si ça vaut le coup. Ce serait plutôt pour l'exercice, si la semelle de rechange ne coûte pas trop cher.

Canis Lupus a écrit:Chapeau pour cette réparation documentée ! Mais où te procures-tu la semelle de rechange ? J'ai mes vieilles Meindl qui pourraient subir ce genre de lifting mais vu que la membrane Goretex est foutue depuis longtemps je ne sais pas si ça vaut le coup. Ce serait plutôt pour l'exercice, si la semelle de rechange ne coûte pas trop cher.

Merci ! On trouve des semelles de rechange sur les cordonneries en ligne, à des prix prohibitifs. Sur eb@y, les tarifs sont beaucoup plus abordables. Malheureusement l'inflation est passée par là : le prix des semelles Vibram présentées dans ce fil de discussion est passé de 12 à 17 euros !
Lien : https://www.ebay.fr/itm/283810505879?hash=item42146ca497:g:wwIAAOSwTndiqGVU&shqty=1&isGTR=1#shId

Tu peux aussi te renseigner auprès du service client de Meindl directement, mais la réparation doit coûter un rein. Sinon demande à un professionnel : un orthopédiste bavarois s'est ainsi spécialisé dans la réparation des chaussures Salomon (sans aucun doute une idée business si vous êtes cordonnier) : un ressemelage coûte 50 euros. Sachant que cette marque fait dans le haut de gamme, cela peut valoir le coup si l'empeigne est encore en bon état.

Comme j'ai fait appel à ses services, voici le résultat (à gauche le modèle d'origine, à droite le modèle ressemelé par le pro) :



Rammstein