[Technique] Conservation longue durée des graines - Expériences de Beal et Haberlandt
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[Technique] Conservation longue durée des graines - Expériences de Beal et Haberlandt
Cratère de Cassini - Sol 451, an 53
Le signal se fit soudain plus fort : d'après son détecteur, le conteneur se trouvait juste sous les pieds de Nikita. Le vent commençait à souffler, et Nikita balaya d'un rapide coup de gant la poussière qui s'accumulait sur la visière de sa combinaison Orlan. Il se baissa pour examiner plus en détail le sol : effectivement, il devinait dans le relief du terrain le puit d'entrée de la capsule. Elle devait reposer là depuis une vingtaine d'années, intacte, à moins d'un mètre de profondeur. Par radio il informa Truong, assis bien au chaud à moins de 10 mètres de distance à l'intérieur de l'astromobile Uporstvo :
- C'est bon : la capsule 23 est intacte et en position.
- C'est noté. Monte dans la benne, on file en vitesse à la 24 puis on rentre : une tempête de sable devrait nous tomber dessus d'ici 90 minutes !
Nikita grimpa sur l'astromobile, s'arrima à la ligne de vie puis connecta son alimentation en oxygène au réservoir du véhicule. Enfin il fit signe à Truong, qui se mit en route vers la capsule 24 selon l'itinéraire qu'il avait élaboré.
Nikita et Truong faisaient partie de la seconde vague de colonisation de Mars, engagée 2 décennies auparavant par l'Union des Républiques Populaires Asiatiques et les états de la Fédération Slave, dernières entités disposant d'une industrie spatiale opérationnelle. Avec 200 autres scientifiques, ingénieurs et techniciens de haut vol, ils avaient pris un aller simple pour la planète rouge afin d'y établir les premières colonies humaines. Des couples et familles volontaires suivraient au fil des mois et années. La mission du russe et du chinois était simple : localiser et inspecter toutes les capsules larguées sur le sol martien. Il y en avait 200, réparties sur une vingtaines de sites prévus pour accueillir les futures colonies humaines.
La terraformation, engagée dans les années 30, s'annonçait prometteuse : l'effet de serre, initié grâce à quelques fusées remplies de chlorofluorocarbones judicieusement lancées sur la planète rouge, était depuis consciencieusement entretenu par les premiers colons via l'exploitation minière productrice de métaux essentiels, mais aussi de fluor. Le réchauffement s'accentuait d'année en année, permettant à la planête de se constituer une atmosphère consistante. Surtout, l'eau présente un peu partout devenait plus accessible, ce qui laissait entrevoir la possibilité de mettre en place une agriculture sous serre à grande échelle d'ici une à 2 générations.
Dans cette optique, plusieurs fusées non habitées avaient été lancées dans les années 30. Chacune contenait une vingtaines de capsules - de gros cylindres d'un mètre de diamètre et 5 mètres de long - remplies de millions de semences et de substrat de croissance. Les capsules avaient été larguées dans des zones minutieusement choisies par les scientifiques afin d'offrir les meilleures conditions de développement : protection contre les éléments, sol non rocheux, proximité probable d'une source quelconque d'eau sous forme solide. Afin de garantir une parfaite conservation des semences sur plusieurs décennies, une vieile technique ancestrale avait été remise au goût du jour : l'enfouissement. Une fois leurs capsules larguées, les fusées avaient quant à elles subi un crash contrôlé sur la zone choisie. Leur structure, spécialement conçue à cet effet, devrait ensuite permettre aux futurs colons la construction de gigantesques serres de culture.
Nikita savait pertinemment que le processus de terraformation prendrait des millénaires. Il s'écoulerait sans doute plus d'un siècle avant que le sol martien dispose d'un maigre et fragile couvert végétal. Cultiver le sol martien hors serre prendrait sans doute encore quelques siècles supplémentaires, et n'atteindrait jamais les rendements observés sur terre. L'idée même de se ballader sans scaphandre sur le sol martien relevait encore de la science-fiction : si tout se passait bien, il faudrait compter quelques millénaires avant que cela ne soit possible. Mais justement : d'ici là, il n'était pas dit qu'une quelconque vie développée subsiste encore sur terre. Un nouveau rideau de fer traversait en effet l'Europe du nord au sud et protégeait - ironie de l'Histoire - les dernières nations civilisées de la barbarie dans laquelle l'Occident avait sombré, Amérique incluse. L'humanité se disputait les dernières ressources fossiles exploitables d'une Antartique enfin libérée des glaces. Mars constituait ainsi la seule chance de survie d'une Humanité suicidaire prête à se jeter dans le vide...
Introduction
Qui pratique le jardinage en vient un jour ou l'autre à s'intéresser aux graines et à leur conservation. Cette préoccupation est loin d'être nouvelle : depuis les débuts de l'agriculture, l'Humanité s'est ingéniée à préserver de quoi assurer les plantations de la saison suivante. A l'heure actuelle, les techniques ne manquent pas : conservation sous vide, au frigo, au congélateur, à la cave... Nous allons nous intéresser à une technique expérimentale du 19e siècle, facile à mettre en oeuvre, et dont les résultats sont pour le moins surprenants !
Expérience de Beal
En 1879, le botaniste américain William James Beal enterre 20 bouteilles remplies de sable et de graines, dans un endroit tenu secret, sur le site la Michigan State University. A l'époque, herbicides et pesticides n'existaient pas, et cultiver s'apparentait alors à une lutte sans fin contre les mauvaises herbes, ce qui était loin de faciliter la vie des paysans ! Beal souhaitait savoir combien de temps des graines de "mauvaises herbes" pouvaient persister dans le sol et être en mesure de germer. Il avait identifié 21 plantes communément présentes dans les champs et sur les bords des chemins : la nielle des prés, le thlaspi, le trêfle blanc, l'onagre...
Beal avait planifié de déterrer une bouteille tous les 5 ans, et de faire germer les graines qu'elle contenait, ce qu'il a fait jusqu'à sa mort. Beal décédé, ses successeurs mis dans la confidences ont poursuivi l'expérience en augmentant l'intervale entre chaque déterrage de bouteille, d'abord tous les 10 ans, puis finalement tous les 20 ans. L'épidémie de COVID a quelque peu bouleversé les plans des botanistes, toutefois l'équipe du biologiste Frank Telewski a pu déterrer la bouteille numéro 16 en avril 2021, plus de 140 ans après que celle-ci ait été mise en terre !
Les graines recueillies ont été mises à germer, et miraculeusement 2 variétés de molène ont donné des germes !
L'expérience de Beal se poursuit et devrait continuer jusqu'en 2100. A ce jour, voici quelques résultats parcellaires obtenus dans le cadre de cette expérience multi-générationnelle :
- le brome faux-seigle ne dépasse pas 5 ans de stockage,
- la stellaire intermédiaire atteint les 30 ans de conservation,
- 2 variétés de molène ont conservé des facultés de germination au-delà de 140 ans.
Vous trouverez plus d'informations sur la page wikipedia dédiée à William Beal et son expérience : https://fr.wikipedia.org/wiki/William_James_Beal
Quelques articles sur le sujet :
https://www.nytimes.com/2021/04/21/science/beal-seeds-experiment.html
https://www.jstor.org/stable/4131429
Expérience d'Haberlandt
Connu pour avoir introduit le soja en Autriche et en Allemagne, Friedrich Haberlandt est un agronome autrichien du 19e siècle enseignant à la Haute Ecole d'Agronomie de Vienne, qui s'intéresse à la conservation des graines de céréales. En 1877, soit 2 ans avant Beal, il a l'idée de placer plusieurs graines dans des flacons de verre afin de les y conserver, avec l'objectif de tester régulièrement leur faculté à germer. Il n'en aura malheureusement pas le temps... A la mort d'Haberlandt en 1878, les flacons tombent dans l'oubli. Ils sont redécouverts par hasard des décennies plus tard, et leur contenu est mis à germer. Surprise : 110 ans après leur mise en bouteille, les graines d'orge et d'avoine germent !
Si l'on sait comment Haberlandt "embouteillait" ses graines de soja, il est difficile de savoir dans quelles conditions les bouteilles "oubliées" ont été stockées. Vu qu'elles ont été découvertes dans les locaux de l'école, on peut penser qu'elles étaient rangées dans un placard ou un grenier quelconque, à l'abri de la lumière et de l'humidité.
Page wikipedia : https://en.wikipedia.org/wiki/Friedrich_J._Haberlandt
Autres expériences
Je ne vais pas m'étendre sur les différentes expériences en cours, à base de congélation (voir le "bunker de l'Apocalypse" au Spitzberg en Norvège) ou de cryogénisation, des procédés qui présentent peu d'intérêt pour les dilétantes que nous sommes. Intéressons-nous plutôt à la carpologie !
Des expériences menées suite à des découvertes archéologiques ont montré que des graines de palmier retrouvées en Israël dans les vestiges du palais d'Hérode ont germé, après 2000 ans d'enfouissement, comme l'a montré la datation au carbone 14.
En février 2012, des scientifiques russes sont parvenus à recréer des plans de Silene stenophylla à partir de graines vieilles de 32.000 ans, retrouvées en Sibérie à 38m de profondeur.
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Silene_stenophylla
Ces 2 exemples montrent que l'enfouissement de graines sans précautions de stockage particulières peut, sous certaines conditions, permettre de les conserver plusieurs siècles voire plusieurs millénaires.
Enseignements
Que retient-on des expériences évoquées ci-dessus ? Tout d'abord, il est primordial de préserver les graines d'une exposition à la lumière et à l'humidité, afin d'éviter qu'elles ne germent. Ensuite, la température de conservation doit être la plus constante possible. L'enfouissement répond à ces conditions. Beal avait enterré ses bouteilles à 50cm de profondeur, une valeur qui pourra servir de référence. En effet, il est rare sous nos lattitudes que le gel hivernal atteigne une telle profondeur.
Enfin, si un récipient est utilisé, celui-ci devra conserver son intégrité pendant toute la durée du stockage. Le plastique se désagrège et perd ses propriétés physiques assez rapidement. Quand à l'acier, même inoxydable, la corrosion en vient à bout assez rapidement. De fait, la matière la plus appropriée à cet effet se révèle être le verre. Le biologiste Telewski cité plus haut a d'ailleurs fait ce constat dans une interview au journal allemand "Der Spiegel" de mai 2021 : "Wir benötigen ein Material, das über Jahrzehnte im Boden stabil bleibt. [...] Vielleicht finden wir am Ende nichts Besseres als jene Glasflaschen, die Beal schon vor 100 Jahren vergraben hat."
=> "Nous avons besoin d'un matériau qui reste stable dans le sol pendant des décennies. [...] Peut-être qu'à la fin nous n'allons rien trouver de mieux que les bouteilles en verre, que Beal a enterrées il y a 100 ans."
Haberlandt stockait ses graines en vrac dans ses bouteilles. Beal a quant à lui rempli les interstices avec du sable. Les 2 scientifiques ont utilisé des bouteilles à goulot étroit, afin de limiter les interractions du contenu avec l'extérieur au minimum. Enfin, les 2 ont stockés les bouteilles la tête en bas, afin d'éviter toute accumulation d'eau ou d'humidité dans la bouteille, préjudiciable à une bonne conservation des graines.
Un détail est à noter : les bouteilles de Beal ne sont pas fermées !
Quoiqu'il en soit, et malgré toutes les précautions prises lors du stockage, il faudra compter avec un taux d'échec sans doute élevé. La germination des graines devra se faire sous abri, afin de maximiser les chances de réussite.
Matériel
La mise en oeuvre de cette technique requiert peu de matériel. Il vous faut en effet :
- des bouteilles en verre à col étroit,
- du sable aussi sec et propre que possible, et surtout exempt de sel,
- des graines issues du commerce ou de votre production,
- une pelle.
Au besoin, on peut passer le sable au four avec de le débarasser de toute humidité.
Mise en oeuvre
Autant le dire tout de suite : ce n'est pas une technique que j'utilise, et je me suis simplement amusé à la tester avec les moyens du bord ! Une fois le matériel rassemblé, on commence par mesurer la quantité de sable nécessaire.
On vide la bouteille dans un récipient quelconque, on ajoute les graines en vrac - ici un assortiment de navets et radis -, et l'on mélange.
On met en bouteille, sans oublier d'ajouter quelques informations utiles aux générations futures quant au contenu de la bouteille, et c'est prêt !
Il ne reste plus qu'á creuser un trou dans un coin de jardin - ici à environ 75cm de profondeur.
On tapisse le fond du trou de sable :
On y installe la bouteille, tête en bas :
On ajoute du sable pour homogénéiser et stabiliser le tout :
On rebouche le trou en tassant bien, on marque l'endroit et on attend patiemment quelques millénaires !
Conclusion
Vous l'aurez compris, cette technique s'inscrit dans une démarche de résilience ultime, pour le cas où tout le reste a échoué ou été mis en défaut. Il ne faut pas voir cette méthode de stockage de graines comme la panacée, mais plutôt comme une corde supplémentaire à notre arc, comme peuvent l'être par exemple une cache de matériel enterrée ou une bouteille à la mer. Si cette technique peut avoir des résultats aléatoires, elle a au moins le mérite d'être bon marché et facile à mettre en oeuvre. Surtout, c'est le prétexte idéal pour vider quelques bouteilles !
Rammstein
Le signal se fit soudain plus fort : d'après son détecteur, le conteneur se trouvait juste sous les pieds de Nikita. Le vent commençait à souffler, et Nikita balaya d'un rapide coup de gant la poussière qui s'accumulait sur la visière de sa combinaison Orlan. Il se baissa pour examiner plus en détail le sol : effectivement, il devinait dans le relief du terrain le puit d'entrée de la capsule. Elle devait reposer là depuis une vingtaine d'années, intacte, à moins d'un mètre de profondeur. Par radio il informa Truong, assis bien au chaud à moins de 10 mètres de distance à l'intérieur de l'astromobile Uporstvo :
- C'est bon : la capsule 23 est intacte et en position.
- C'est noté. Monte dans la benne, on file en vitesse à la 24 puis on rentre : une tempête de sable devrait nous tomber dessus d'ici 90 minutes !
Nikita grimpa sur l'astromobile, s'arrima à la ligne de vie puis connecta son alimentation en oxygène au réservoir du véhicule. Enfin il fit signe à Truong, qui se mit en route vers la capsule 24 selon l'itinéraire qu'il avait élaboré.
Nikita et Truong faisaient partie de la seconde vague de colonisation de Mars, engagée 2 décennies auparavant par l'Union des Républiques Populaires Asiatiques et les états de la Fédération Slave, dernières entités disposant d'une industrie spatiale opérationnelle. Avec 200 autres scientifiques, ingénieurs et techniciens de haut vol, ils avaient pris un aller simple pour la planète rouge afin d'y établir les premières colonies humaines. Des couples et familles volontaires suivraient au fil des mois et années. La mission du russe et du chinois était simple : localiser et inspecter toutes les capsules larguées sur le sol martien. Il y en avait 200, réparties sur une vingtaines de sites prévus pour accueillir les futures colonies humaines.
La terraformation, engagée dans les années 30, s'annonçait prometteuse : l'effet de serre, initié grâce à quelques fusées remplies de chlorofluorocarbones judicieusement lancées sur la planète rouge, était depuis consciencieusement entretenu par les premiers colons via l'exploitation minière productrice de métaux essentiels, mais aussi de fluor. Le réchauffement s'accentuait d'année en année, permettant à la planête de se constituer une atmosphère consistante. Surtout, l'eau présente un peu partout devenait plus accessible, ce qui laissait entrevoir la possibilité de mettre en place une agriculture sous serre à grande échelle d'ici une à 2 générations.
Dans cette optique, plusieurs fusées non habitées avaient été lancées dans les années 30. Chacune contenait une vingtaines de capsules - de gros cylindres d'un mètre de diamètre et 5 mètres de long - remplies de millions de semences et de substrat de croissance. Les capsules avaient été larguées dans des zones minutieusement choisies par les scientifiques afin d'offrir les meilleures conditions de développement : protection contre les éléments, sol non rocheux, proximité probable d'une source quelconque d'eau sous forme solide. Afin de garantir une parfaite conservation des semences sur plusieurs décennies, une vieile technique ancestrale avait été remise au goût du jour : l'enfouissement. Une fois leurs capsules larguées, les fusées avaient quant à elles subi un crash contrôlé sur la zone choisie. Leur structure, spécialement conçue à cet effet, devrait ensuite permettre aux futurs colons la construction de gigantesques serres de culture.
Nikita savait pertinemment que le processus de terraformation prendrait des millénaires. Il s'écoulerait sans doute plus d'un siècle avant que le sol martien dispose d'un maigre et fragile couvert végétal. Cultiver le sol martien hors serre prendrait sans doute encore quelques siècles supplémentaires, et n'atteindrait jamais les rendements observés sur terre. L'idée même de se ballader sans scaphandre sur le sol martien relevait encore de la science-fiction : si tout se passait bien, il faudrait compter quelques millénaires avant que cela ne soit possible. Mais justement : d'ici là, il n'était pas dit qu'une quelconque vie développée subsiste encore sur terre. Un nouveau rideau de fer traversait en effet l'Europe du nord au sud et protégeait - ironie de l'Histoire - les dernières nations civilisées de la barbarie dans laquelle l'Occident avait sombré, Amérique incluse. L'humanité se disputait les dernières ressources fossiles exploitables d'une Antartique enfin libérée des glaces. Mars constituait ainsi la seule chance de survie d'une Humanité suicidaire prête à se jeter dans le vide...
Introduction
Qui pratique le jardinage en vient un jour ou l'autre à s'intéresser aux graines et à leur conservation. Cette préoccupation est loin d'être nouvelle : depuis les débuts de l'agriculture, l'Humanité s'est ingéniée à préserver de quoi assurer les plantations de la saison suivante. A l'heure actuelle, les techniques ne manquent pas : conservation sous vide, au frigo, au congélateur, à la cave... Nous allons nous intéresser à une technique expérimentale du 19e siècle, facile à mettre en oeuvre, et dont les résultats sont pour le moins surprenants !
Expérience de Beal
En 1879, le botaniste américain William James Beal enterre 20 bouteilles remplies de sable et de graines, dans un endroit tenu secret, sur le site la Michigan State University. A l'époque, herbicides et pesticides n'existaient pas, et cultiver s'apparentait alors à une lutte sans fin contre les mauvaises herbes, ce qui était loin de faciliter la vie des paysans ! Beal souhaitait savoir combien de temps des graines de "mauvaises herbes" pouvaient persister dans le sol et être en mesure de germer. Il avait identifié 21 plantes communément présentes dans les champs et sur les bords des chemins : la nielle des prés, le thlaspi, le trêfle blanc, l'onagre...
Beal avait planifié de déterrer une bouteille tous les 5 ans, et de faire germer les graines qu'elle contenait, ce qu'il a fait jusqu'à sa mort. Beal décédé, ses successeurs mis dans la confidences ont poursuivi l'expérience en augmentant l'intervale entre chaque déterrage de bouteille, d'abord tous les 10 ans, puis finalement tous les 20 ans. L'épidémie de COVID a quelque peu bouleversé les plans des botanistes, toutefois l'équipe du biologiste Frank Telewski a pu déterrer la bouteille numéro 16 en avril 2021, plus de 140 ans après que celle-ci ait été mise en terre !
Les graines recueillies ont été mises à germer, et miraculeusement 2 variétés de molène ont donné des germes !
L'expérience de Beal se poursuit et devrait continuer jusqu'en 2100. A ce jour, voici quelques résultats parcellaires obtenus dans le cadre de cette expérience multi-générationnelle :
- le brome faux-seigle ne dépasse pas 5 ans de stockage,
- la stellaire intermédiaire atteint les 30 ans de conservation,
- 2 variétés de molène ont conservé des facultés de germination au-delà de 140 ans.
Vous trouverez plus d'informations sur la page wikipedia dédiée à William Beal et son expérience : https://fr.wikipedia.org/wiki/William_James_Beal
Quelques articles sur le sujet :
https://www.nytimes.com/2021/04/21/science/beal-seeds-experiment.html
https://www.jstor.org/stable/4131429
Expérience d'Haberlandt
Connu pour avoir introduit le soja en Autriche et en Allemagne, Friedrich Haberlandt est un agronome autrichien du 19e siècle enseignant à la Haute Ecole d'Agronomie de Vienne, qui s'intéresse à la conservation des graines de céréales. En 1877, soit 2 ans avant Beal, il a l'idée de placer plusieurs graines dans des flacons de verre afin de les y conserver, avec l'objectif de tester régulièrement leur faculté à germer. Il n'en aura malheureusement pas le temps... A la mort d'Haberlandt en 1878, les flacons tombent dans l'oubli. Ils sont redécouverts par hasard des décennies plus tard, et leur contenu est mis à germer. Surprise : 110 ans après leur mise en bouteille, les graines d'orge et d'avoine germent !
Si l'on sait comment Haberlandt "embouteillait" ses graines de soja, il est difficile de savoir dans quelles conditions les bouteilles "oubliées" ont été stockées. Vu qu'elles ont été découvertes dans les locaux de l'école, on peut penser qu'elles étaient rangées dans un placard ou un grenier quelconque, à l'abri de la lumière et de l'humidité.
Page wikipedia : https://en.wikipedia.org/wiki/Friedrich_J._Haberlandt
Autres expériences
Je ne vais pas m'étendre sur les différentes expériences en cours, à base de congélation (voir le "bunker de l'Apocalypse" au Spitzberg en Norvège) ou de cryogénisation, des procédés qui présentent peu d'intérêt pour les dilétantes que nous sommes. Intéressons-nous plutôt à la carpologie !
Des expériences menées suite à des découvertes archéologiques ont montré que des graines de palmier retrouvées en Israël dans les vestiges du palais d'Hérode ont germé, après 2000 ans d'enfouissement, comme l'a montré la datation au carbone 14.
En février 2012, des scientifiques russes sont parvenus à recréer des plans de Silene stenophylla à partir de graines vieilles de 32.000 ans, retrouvées en Sibérie à 38m de profondeur.
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Silene_stenophylla
Ces 2 exemples montrent que l'enfouissement de graines sans précautions de stockage particulières peut, sous certaines conditions, permettre de les conserver plusieurs siècles voire plusieurs millénaires.
Enseignements
Que retient-on des expériences évoquées ci-dessus ? Tout d'abord, il est primordial de préserver les graines d'une exposition à la lumière et à l'humidité, afin d'éviter qu'elles ne germent. Ensuite, la température de conservation doit être la plus constante possible. L'enfouissement répond à ces conditions. Beal avait enterré ses bouteilles à 50cm de profondeur, une valeur qui pourra servir de référence. En effet, il est rare sous nos lattitudes que le gel hivernal atteigne une telle profondeur.
Enfin, si un récipient est utilisé, celui-ci devra conserver son intégrité pendant toute la durée du stockage. Le plastique se désagrège et perd ses propriétés physiques assez rapidement. Quand à l'acier, même inoxydable, la corrosion en vient à bout assez rapidement. De fait, la matière la plus appropriée à cet effet se révèle être le verre. Le biologiste Telewski cité plus haut a d'ailleurs fait ce constat dans une interview au journal allemand "Der Spiegel" de mai 2021 : "Wir benötigen ein Material, das über Jahrzehnte im Boden stabil bleibt. [...] Vielleicht finden wir am Ende nichts Besseres als jene Glasflaschen, die Beal schon vor 100 Jahren vergraben hat."
=> "Nous avons besoin d'un matériau qui reste stable dans le sol pendant des décennies. [...] Peut-être qu'à la fin nous n'allons rien trouver de mieux que les bouteilles en verre, que Beal a enterrées il y a 100 ans."
Haberlandt stockait ses graines en vrac dans ses bouteilles. Beal a quant à lui rempli les interstices avec du sable. Les 2 scientifiques ont utilisé des bouteilles à goulot étroit, afin de limiter les interractions du contenu avec l'extérieur au minimum. Enfin, les 2 ont stockés les bouteilles la tête en bas, afin d'éviter toute accumulation d'eau ou d'humidité dans la bouteille, préjudiciable à une bonne conservation des graines.
Un détail est à noter : les bouteilles de Beal ne sont pas fermées !
Quoiqu'il en soit, et malgré toutes les précautions prises lors du stockage, il faudra compter avec un taux d'échec sans doute élevé. La germination des graines devra se faire sous abri, afin de maximiser les chances de réussite.
Matériel
La mise en oeuvre de cette technique requiert peu de matériel. Il vous faut en effet :
- des bouteilles en verre à col étroit,
- du sable aussi sec et propre que possible, et surtout exempt de sel,
- des graines issues du commerce ou de votre production,
- une pelle.
Au besoin, on peut passer le sable au four avec de le débarasser de toute humidité.
Mise en oeuvre
Autant le dire tout de suite : ce n'est pas une technique que j'utilise, et je me suis simplement amusé à la tester avec les moyens du bord ! Une fois le matériel rassemblé, on commence par mesurer la quantité de sable nécessaire.
On vide la bouteille dans un récipient quelconque, on ajoute les graines en vrac - ici un assortiment de navets et radis -, et l'on mélange.
On met en bouteille, sans oublier d'ajouter quelques informations utiles aux générations futures quant au contenu de la bouteille, et c'est prêt !
Il ne reste plus qu'á creuser un trou dans un coin de jardin - ici à environ 75cm de profondeur.
On tapisse le fond du trou de sable :
On y installe la bouteille, tête en bas :
On ajoute du sable pour homogénéiser et stabiliser le tout :
On rebouche le trou en tassant bien, on marque l'endroit et on attend patiemment quelques millénaires !
Conclusion
Vous l'aurez compris, cette technique s'inscrit dans une démarche de résilience ultime, pour le cas où tout le reste a échoué ou été mis en défaut. Il ne faut pas voir cette méthode de stockage de graines comme la panacée, mais plutôt comme une corde supplémentaire à notre arc, comme peuvent l'être par exemple une cache de matériel enterrée ou une bouteille à la mer. Si cette technique peut avoir des résultats aléatoires, elle a au moins le mérite d'être bon marché et facile à mettre en oeuvre. Surtout, c'est le prétexte idéal pour vider quelques bouteilles !
Rammstein
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Rammstein- Membre fondateur
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Date d'inscription : 07/11/2006
Canis Lupus, un ptit breton, PATMAC et Semper aiment ce message
Re: [Technique] Conservation longue durée des graines - Expériences de Beal et Haberlandt
Bonjour Rammstein,
Merci pour ce post qui, comme à ton habitude, est très bien fait
As-tu mis un bouchon à ta bouteille ?
Si non, l'eau (ou du moins l'humidité) ne devrait elle pas remonter par capillarité ?
Merci pour ce post qui, comme à ton habitude, est très bien fait
As-tu mis un bouchon à ta bouteille ?
Si non, l'eau (ou du moins l'humidité) ne devrait elle pas remonter par capillarité ?
Coyote- Membre
- Nombre de messages : 280
Date d'inscription : 14/09/2014
Re: [Technique] Conservation longue durée des graines - Expériences de Beal et Haberlandt
Coyote a écrit:As-tu mis un bouchon à ta bouteille ?
Si non, l'eau (ou du moins l'humidité) ne devrait elle pas remonter par capillarité ?
Merci ! L'article du Spiegel que j'ai cité mentionne explicitement que les bouteilles ne sont pas bouchées. C'est également ce que montre la vidéo réalisée pendant le déterrage de la bouteille numéro 16. Concernant le risque de remontée d'humidité par capillarité, elles sont sans doute inévitables mais minimes. C'est pour cela qu'une bouteille à col étroit est nécessaire, afin d'une part de limiter le phénomène au maximum, et d'autre part permettre l'évacuation d'eau par gravité. Boucher la bouteille - avec du liège ou de la cire par exemple - présente le risque de créer une zone d'accumulation d'humidité. Tout cela reste très empirique, et il faut de toute façon compter avec un taux de perte élevé...
Rammstein
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Rammstein- Membre fondateur
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Date d'inscription : 07/11/2006
Re: [Technique] Conservation longue durée des graines - Expériences de Beal et Haberlandt
Il y aura toujours moins d'humidité par capillarité que par attraction si l'ouverture est en haut.Coyote a écrit:
As-tu mis un bouchon à ta bouteille ?
Si non, l'eau (ou du moins l'humidité) ne devrait elle pas remonter par capillarité ?
Après un bouchon de liège autant je peux comprendre l'inconvénient autant un bouchon de cire je me dis que ça doit être bien.
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Loisirs : lire le troll est parmi nous de D. Vincent et F. Mulder et appronfondir ma Tétracapilosectomie
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