1996. Seul sur une île
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1996. Seul sur une île
Bonjour,
J’ai passé un peu plus de trois ans dans le Pacifique. Il serait long est compliqué de raconter ce qui m’y a conduit. Pour ce que j’y ai vu et ce que j’y ai vécu, la carte postale, les reportages féerique, les hôtels étoilés, il faut les oublier! Je n’en dirai pas plus vu que j’ai signé une charte et que je vais me tenir à certains engagements.
En partant, j’avais crus que ma folle vie de risque tout était loin derrière moi, et pourtant. J’y étais depuis 2 ans, je venais d’y finir une galère, qui avait été précédée d’une autre. J’avais vu pas mal de choses et il m’en restait pas mal à découvrir. Je ne savais pas encore que j’allais devoir encore me battre contre la connerie humaine, que j’allais avoir faim, que j’allais être un esclave, avec cette fois un fiche de paye, et d’une manière générale, que j’allais encore souffrir. Comme l’a chanté Aznavour, (la misère serait moins pénible au soleil), tu parle Charles !
Toujours est t’il qu’à un moment donné, je me suis fais déposer sur un îlot, puis sur un autre, pour y faire la pêche. Une obligation pour gagner ma croûte dans l’attente de trouver mieux. Il fallait suivre les marées. Les horaires des cycles m’était fournit par un précieux petit livret, les flux et reflux ne tombent jamais à la même heure car il y a un petit décalage de quelques minutes tout les jours.Il était indispensable de me mettre à l’eau toutes les nuits pour retirer le poisson sinon je risquais de me faire défoncer les filets par un requin.
J’avais emmené une petite tente, deux glacières avec pains de glace, deux gros jerricans d’eau, et quelques bricoles, un couteau qui va bien, brosse à dent et dentifrice… les choses logiques. Pour les fringues, un short, un t-shirt, une paire de claquettes et un paréo. La lessive et le séchage était vite vu.
J’y repense, je n’avais même pas de trousse de secours. Par contre, je n’avais pas oublié le lait anti moustiques Australien, et heureusement.
A mon arrivée sur le premier îlot dans l’après midi, j’installais mon campement auprès d’une petite cabane. Trois faces et un toit, le tout fait de bric et de broc, branlicotants et n’attendant que le prochain cyclone pour partir faire du surf. Cet abri de fortune me fit un petit local pour y entreposer mon matériel. Il y avait un marteau accroché à un clou et je me demandais ce qu’il pouvait bien faire là, oublié par un pêcheur surement. Il me sera bien utile quelques jours plus tard.
J’étais venu plusieurs fois ici avec un virtuose de l’épervier, des kilos de sardines étaient dans les glacières lorsque l’on repartait. Elles venaient dans l’eau peu profonde à certaines périodes, je ne sais même pas pourquoi, surement pour se nourrir.
Je calais mes filets à grosse maille pour un autre gabarit de poissons. Je ne me souviens plus où en était la marée à ce moment là. Le soleil brillait, le panorama était magnifique, du sable fin et de l’eau bleus à volonté. La carte postale dans mes yeux n’était pas du tout la même que celle que les touristes envois à leurs amis. Je montais ma tente tranquillement et fis une petite balade sur un banc de sable au bout de l’îlot.
Le soir, j’admirais ce soleil en train de disparaître à l’horizon et le ciel changer doucement de tons de bleu.
Je venais de terminer mon repas, les yeux dans le feu en ne pensent surement à rien quant des milliers d’oiseaux noir, des Puffin Fouquet, sont arrivé à la tombé de la nuit. Je ne m’y attendais pas, je n’avais connu cet îlot que de jour. Ils se sont posé sur le sable sur une surface que je ne peux pas déterminer car j’en avais tellement autour de moi que je ne suis pas allez voir plus loin. En l’espace de deux minutes il y en a eu trois qui ont atterri directement dans les braises, Surement attirés pas la lumière qu’elles dégageaient. Comme j’étais juste à coté, j’ai pu les sortir assez vite est il n’y a pas eu de casse. J’ai du éteindre le feu en le recouvrant de sable pour éviter un génocide. Ils étaient indifférents à ma présence, comme si je n’existais pas. Ils se laissaient caresser sans problème, tout juste un petit coup de bec histoire d’exprimer quelque chose. Ni œuf ni poussin, je n’avais de toutes manières rien remarqué à mon arrivé, au moins, j’étais sur de ne rien avoir détruis par ma seule présence. Ils poussaient des hululements qui ressemblaient entre autres à des pleurs d’enfants. Plus tard, enfermé dans ma tente et loin de tout, j’ai eu un peu de mal à m’endormir dans ce vacarme. J’ai bien sur pensé au film d’Hitchcock, comme il est de coutume de se référer dans ce genre de situations. Les jours passant, c’est devenu de moins en moins problématique.
https://www.youtube.com/watch?v=GT69JlRe8jk
http://www.oiseaux.net/search.cgi?cx=014496470795211077046:a6zx0yeet9i&cof=FORID%3A9&ie=UTF-8&sa=ok&q=puffin+fouquet
Toutes les nuits, il me fallait me lever pour la baignade, et là, c’est vraiment plus facile à écrire qu’à faire. Personne à des kilomètres à la ronde en cas de problème. Je rentrais dans l’eau froide avec juste mon short sur le … dos et mon couteau de plongé attaché au mollet. J’avais une caisse en plastique que je traînais à l’aide d’un bout de corde pour y mettre le poisson, et une lampe électrique étanche. Les premiers mètres, j’avais pieds, et, plus je nageais vers le bout du filet, moins je voyais le fond dans le halo de la lampe. Je revenais alors vers le bord en décrochant au fur et à mesure les poissons.
Une nuit, il y avait un énorme trou dans le filet, en plus, l’eau était trouble, de très fines particules d’algues en suspend rendaient le lieu encore plus lugubre. Un requin était donc dans les parages, il était assez gros pour s’être débattu et éventrer le filet. Vu qu’il y avait du poisson dans les mailles, il risquait peut être de revenir au garde manger. Là, celui qui dit qu’il n’a pas la pétoche, je ne le crois pas
Les requins étaient principalement des pointes noires. Ils n’attaquent pas l’homme est ne sont dangereux que si l’on a du poisson dans les mains, ou même à la ceinture comme il est de coutume de faire sur les côtes Méditerranéennes.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Requin_%C3%A0_pointes_noires
Par contre, et entre autres, les requins bouledogue et citron, sont eux, beaucoup moins sympathiques.
J’attrapais pas mal de poissons, et un gars, toujours le roi de l’épervier, venait les chercher tous les deux jours avant de partir lui-même à la pêche de nuit. Il me ravitaillait en eau, glace, une bière ou deux, du pain rarement, mais j’avais du riz. Un bout de poulet à chaque visite, pour changer de l’ordinaire, le poisson étant ma principale nourriture.
C’est là que j’ai goûté du requin. J’avais attrapé un petit pointe noire, il était mort dans les filets. Je sais, c’est interdit de les pécher, mais à cette époque, je n’avais même pas de sécurité sociale, les requins non plus. Et mort pour mort, autant que j’y goûte. Sa chair cuite était très blanche et très fade, même avec du sel ce n’était pas un mets de choix. Surement qu’au four avec des légumes et une sauce, il aurait été plus savoureux.
J’attrapais parfois au milieu des poissons, un crabe de palétuvier, et là, c’était le plat et le dessert en même temps. La technique avec ses bestioles préhistoriques, c’est d’attacher les pinces contre le corps à l’aide de grosse élastiques coupées dans de la chambre à air, je n’en avais pas. Un jour j’en pris un au filet et me dis qu’il ferait un bon petit repas. Arrivé à la glacière, mon dessert m’a chopé un doigt et je me le suis retrouvé en guise de sac à main. J’ai commencé à tirer dessus mais sa pince n’était pas loin de me couper la chair. Je ne trouvai pas de solution pour virer cette bestiole de là et la douleur devenait vraiment insupportable. Dans mon désespoir, je regardais autour de moi et j’ai vu le marteau…
https://www.youtube.com/watch?v=37QbPgHwN10
La femme sur la vidéo me fait bien rire avec ses gants en latex.
Dans la normalité, ces crabes se pêchent à pieds. Au quart de lunes en b et en d, ils viennent changer leur carapace en se protégeant des prédateurs dans des trous sur le rivage, de préférence à proximité des palétuviers. C’est la qu’il faut les prendre car après ils commencent à s’ouvrir. Quand ils perdent leur carapace, ils commencent à faire en une nouvelle, ils n’ont plus d’intérêt gustatif car la chair commence à se transformer en une pellicule dure et le peu qu’il en reste est gâché à cause de cette sensation de manger un œuf avec sa coquille.
La pêche au crabe, je l’ai pratiqué plus tard, mais uniquement pour ma consommation personnelle. Je n’avais pas de bateau, pas de nasse, et je n’en avais besoin que de trois ou quatre. On y va à marée basse, soit à l’aide d’un genre de petit rateau à trois dents fabriqué avec du fer à béton soudé, soit directement en plongeant le bras à l’intérieur du trou.
Après avoir testé le rateau d’un gars, j’avais opté pour la manière manuelle. La première fois que l’on envoi la main, on a certains sphincters qui se tétanisent. Je me suis souvent retrouvé avec la joue collé dans la boue vu la profondeur du trou. Le but est de laisser la main dans la vase du conduit qui est plein d’eau, et dès que l’on sent les pattes pointues du crabe, on passe la main derrière lui et on le tire doucement vers la surface. Il ne peut pincer ni sous, ni derrière lui. Le crabe est retourné, le pied du pécheur le maintien au sol alors qu’il lui attache les pinces avec la chambre à air. Je ne les attachais pas et les mettais directement dans un sac en toile. L’histoire du filet ne m’avait visiblement pas servie de leçon. Le temps de rentrer à la cabane, j’allumais le gaz pour faire bouillir l’eau, un coup de couteau à un endroit bien défini pour les tuer net. Si on ne les tue pas, ils souffrent en étant ébouillantés et de plus ils risquent de lâcher leurs pinces et de se vider d’une partie de leur chair. 20 minutes d’ébullition, une vinaigrette, et le cassage de bide est garanti.
Sur le deuxième îlot, j’ai trouvé le faré de fortune qu’un ami avait construit, ou peu être seulement consolidé. Il y était venu faire la pèche avec sa femme est sa fille de 7 ans. Eux par contre avaient une plate, c’est un petit bateau plat en alu qui à peu de tirant d’eau et de plus résiste mieux aux chocs dans les récifs qu’un bateau en fibres. Il est aussi plus facile d’accoster. Du coup, je n’étais pas trop mal installé, il avait fait des bancs et une table.
gA cause du frottement des habits et du sel, je me rinçais à l’eau douce et passais parfois plusieurs heures à poil, pas de problème, j’étais tout seul. La solitude j’en ai besoin. Là, c’était tout de même un peu trop. Les heures ne passaient pas. La levée des filets, la petite baignade, ce n’était pas suffisant pour passer la journée. De plus, le soleil ne permettait pas une exposition prolongée en toute impunité.Le gros problème, ce coup ci, ça a été les moustiques. Une véritable bataille dès le soleil couchant. Les soirs de ravitaillement, j’allumais deux feux alignés avec la passe dans les récifs. La nuit tombait tôt. Mon complice passait au large en continuait sa route jusqu’à ce qu’il ne voit plus qu’un feu, il virait, et venait tout droit vers moi sans encombre. Je me tartinais de crème anti moustiques et restais dans la fumée car ils ne la supportent pas. A force de marcher dans le sable, mes pieds étaient décapés, et donc, plus protégés. La fumée montante ne me les protégeait pas non plus. C’est uniquement à cause de ces piqures là que je rentrais parfois dans la tente avant l’arrivé du bateau, les pieds en feu. Ces bestioles c’est pire que le diable.
Pour le moral, j’avais du bol, je m’étais procuré un petit transistor et la seule station que je captais c’était France culture, mais la journée là bas, c’était la nuit en France. Macha Béranger et ses gents à problèmes, c’était vraiment la poisse. Je me souviens d’un gars qui avait fait un mélodrame car il ne pouvait pas jouer au golf, c’était trop cher pour lui, le pauvre.
Une après midi, une tempête c’est levée, le bateau et venu me récupérer sans prévenir. J’ai ramassé mes affaires et démonté la tente à l’arrache. Je n’ai plus jamais revu ces deux îlots, et je ne les reverrais jamais. Je suis donc parti vers la galérienne aventure suivante.
Du point de vue survie, le premier îlot était petit, plat, tout en sable, une végétation de misère, et, bien sur, pas une goute d’eau. Le deuxième, par contre, avait du connaitre la vie et à coup sur la présence humaine car il y avait la carcasse d’une pompe éolienne édentée qui finissaient de rouiller. Il était beaucoup plus grand et le nom d’île lui serait plus approprié. Il y avait surement de l’eau quelque part au vu des moustiques qui y pullulaient, elle n’était surement pas potable, et, peut être non accessible car dans des failles des roches volcaniques.
Pour faire le point, des années après, je prends conscience des risques que j’ai pris. La fameuse trousse de secours, je n’en ai jamais eu, et ce tout les temps où je suis resté sur les îlots ou même quand j’étais isolé dans des coins perdus. De toutes manières, si j’avais été gravement blessé et que j’avais du attendre deux jours pour être secouru, je ne serai surement pas en train d’écrire ces lignes. Le bon vieux principe de précaution en vigueur dans pas mal d’institutions Françaises, j'étais loin de l'appliquer. Mais quelle aventure !!!
Ce que je retiendrai de ces trois ans, ce sont beaucoup de souvenirs. J’aurais vraiment raté quelques choses ci j’étais resté pépère avec un plant de carrière en France ( un plant de carrière ). A mon retour, je pesais 20 kg de moins qu’à mon départ, perdu seulement dans la deuxième moitié de mon périple. Je tiens à préciser qu’avec ce poids en moins, je n’ai jamais eu autant la forme. 8 jours avant mon vol, j’ai eu un accident dans la brousse et j’ai été opéré de la main. Dans le cirage et avec des cheveux (normalement, j’avais toujours la boule à pas beaucoup). Certaines personnes ne m’ont pas reconnu. Je suis rentré avec deux valises. J’avais 34 ans et rien. Il a fallu remonter la pente. Je suis reparti deux mois après hors C E. pour deux ans en demi. Il y a encore eu du sport.
PS: Le sujet sur la stérilisation est prêt, mais je viens d’oublier mon appareil numérique dans la famille. Le temps qu’il revienne chez (x), que (x) le donne à (y), et que (y) rentre de vacances et me le rapporte, il y en a encore pour un bon moment.
J’ai passé un peu plus de trois ans dans le Pacifique. Il serait long est compliqué de raconter ce qui m’y a conduit. Pour ce que j’y ai vu et ce que j’y ai vécu, la carte postale, les reportages féerique, les hôtels étoilés, il faut les oublier! Je n’en dirai pas plus vu que j’ai signé une charte et que je vais me tenir à certains engagements.
En partant, j’avais crus que ma folle vie de risque tout était loin derrière moi, et pourtant. J’y étais depuis 2 ans, je venais d’y finir une galère, qui avait été précédée d’une autre. J’avais vu pas mal de choses et il m’en restait pas mal à découvrir. Je ne savais pas encore que j’allais devoir encore me battre contre la connerie humaine, que j’allais avoir faim, que j’allais être un esclave, avec cette fois un fiche de paye, et d’une manière générale, que j’allais encore souffrir. Comme l’a chanté Aznavour, (la misère serait moins pénible au soleil), tu parle Charles !
Toujours est t’il qu’à un moment donné, je me suis fais déposer sur un îlot, puis sur un autre, pour y faire la pêche. Une obligation pour gagner ma croûte dans l’attente de trouver mieux. Il fallait suivre les marées. Les horaires des cycles m’était fournit par un précieux petit livret, les flux et reflux ne tombent jamais à la même heure car il y a un petit décalage de quelques minutes tout les jours.Il était indispensable de me mettre à l’eau toutes les nuits pour retirer le poisson sinon je risquais de me faire défoncer les filets par un requin.
J’avais emmené une petite tente, deux glacières avec pains de glace, deux gros jerricans d’eau, et quelques bricoles, un couteau qui va bien, brosse à dent et dentifrice… les choses logiques. Pour les fringues, un short, un t-shirt, une paire de claquettes et un paréo. La lessive et le séchage était vite vu.
J’y repense, je n’avais même pas de trousse de secours. Par contre, je n’avais pas oublié le lait anti moustiques Australien, et heureusement.
A mon arrivée sur le premier îlot dans l’après midi, j’installais mon campement auprès d’une petite cabane. Trois faces et un toit, le tout fait de bric et de broc, branlicotants et n’attendant que le prochain cyclone pour partir faire du surf. Cet abri de fortune me fit un petit local pour y entreposer mon matériel. Il y avait un marteau accroché à un clou et je me demandais ce qu’il pouvait bien faire là, oublié par un pêcheur surement. Il me sera bien utile quelques jours plus tard.
J’étais venu plusieurs fois ici avec un virtuose de l’épervier, des kilos de sardines étaient dans les glacières lorsque l’on repartait. Elles venaient dans l’eau peu profonde à certaines périodes, je ne sais même pas pourquoi, surement pour se nourrir.
Je calais mes filets à grosse maille pour un autre gabarit de poissons. Je ne me souviens plus où en était la marée à ce moment là. Le soleil brillait, le panorama était magnifique, du sable fin et de l’eau bleus à volonté. La carte postale dans mes yeux n’était pas du tout la même que celle que les touristes envois à leurs amis. Je montais ma tente tranquillement et fis une petite balade sur un banc de sable au bout de l’îlot.
Le soir, j’admirais ce soleil en train de disparaître à l’horizon et le ciel changer doucement de tons de bleu.
Je venais de terminer mon repas, les yeux dans le feu en ne pensent surement à rien quant des milliers d’oiseaux noir, des Puffin Fouquet, sont arrivé à la tombé de la nuit. Je ne m’y attendais pas, je n’avais connu cet îlot que de jour. Ils se sont posé sur le sable sur une surface que je ne peux pas déterminer car j’en avais tellement autour de moi que je ne suis pas allez voir plus loin. En l’espace de deux minutes il y en a eu trois qui ont atterri directement dans les braises, Surement attirés pas la lumière qu’elles dégageaient. Comme j’étais juste à coté, j’ai pu les sortir assez vite est il n’y a pas eu de casse. J’ai du éteindre le feu en le recouvrant de sable pour éviter un génocide. Ils étaient indifférents à ma présence, comme si je n’existais pas. Ils se laissaient caresser sans problème, tout juste un petit coup de bec histoire d’exprimer quelque chose. Ni œuf ni poussin, je n’avais de toutes manières rien remarqué à mon arrivé, au moins, j’étais sur de ne rien avoir détruis par ma seule présence. Ils poussaient des hululements qui ressemblaient entre autres à des pleurs d’enfants. Plus tard, enfermé dans ma tente et loin de tout, j’ai eu un peu de mal à m’endormir dans ce vacarme. J’ai bien sur pensé au film d’Hitchcock, comme il est de coutume de se référer dans ce genre de situations. Les jours passant, c’est devenu de moins en moins problématique.
https://www.youtube.com/watch?v=GT69JlRe8jk
http://www.oiseaux.net/search.cgi?cx=014496470795211077046:a6zx0yeet9i&cof=FORID%3A9&ie=UTF-8&sa=ok&q=puffin+fouquet
Toutes les nuits, il me fallait me lever pour la baignade, et là, c’est vraiment plus facile à écrire qu’à faire. Personne à des kilomètres à la ronde en cas de problème. Je rentrais dans l’eau froide avec juste mon short sur le … dos et mon couteau de plongé attaché au mollet. J’avais une caisse en plastique que je traînais à l’aide d’un bout de corde pour y mettre le poisson, et une lampe électrique étanche. Les premiers mètres, j’avais pieds, et, plus je nageais vers le bout du filet, moins je voyais le fond dans le halo de la lampe. Je revenais alors vers le bord en décrochant au fur et à mesure les poissons.
Une nuit, il y avait un énorme trou dans le filet, en plus, l’eau était trouble, de très fines particules d’algues en suspend rendaient le lieu encore plus lugubre. Un requin était donc dans les parages, il était assez gros pour s’être débattu et éventrer le filet. Vu qu’il y avait du poisson dans les mailles, il risquait peut être de revenir au garde manger. Là, celui qui dit qu’il n’a pas la pétoche, je ne le crois pas
Les requins étaient principalement des pointes noires. Ils n’attaquent pas l’homme est ne sont dangereux que si l’on a du poisson dans les mains, ou même à la ceinture comme il est de coutume de faire sur les côtes Méditerranéennes.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Requin_%C3%A0_pointes_noires
Par contre, et entre autres, les requins bouledogue et citron, sont eux, beaucoup moins sympathiques.
J’attrapais pas mal de poissons, et un gars, toujours le roi de l’épervier, venait les chercher tous les deux jours avant de partir lui-même à la pêche de nuit. Il me ravitaillait en eau, glace, une bière ou deux, du pain rarement, mais j’avais du riz. Un bout de poulet à chaque visite, pour changer de l’ordinaire, le poisson étant ma principale nourriture.
C’est là que j’ai goûté du requin. J’avais attrapé un petit pointe noire, il était mort dans les filets. Je sais, c’est interdit de les pécher, mais à cette époque, je n’avais même pas de sécurité sociale, les requins non plus. Et mort pour mort, autant que j’y goûte. Sa chair cuite était très blanche et très fade, même avec du sel ce n’était pas un mets de choix. Surement qu’au four avec des légumes et une sauce, il aurait été plus savoureux.
J’attrapais parfois au milieu des poissons, un crabe de palétuvier, et là, c’était le plat et le dessert en même temps. La technique avec ses bestioles préhistoriques, c’est d’attacher les pinces contre le corps à l’aide de grosse élastiques coupées dans de la chambre à air, je n’en avais pas. Un jour j’en pris un au filet et me dis qu’il ferait un bon petit repas. Arrivé à la glacière, mon dessert m’a chopé un doigt et je me le suis retrouvé en guise de sac à main. J’ai commencé à tirer dessus mais sa pince n’était pas loin de me couper la chair. Je ne trouvai pas de solution pour virer cette bestiole de là et la douleur devenait vraiment insupportable. Dans mon désespoir, je regardais autour de moi et j’ai vu le marteau…
https://www.youtube.com/watch?v=37QbPgHwN10
La femme sur la vidéo me fait bien rire avec ses gants en latex.
Dans la normalité, ces crabes se pêchent à pieds. Au quart de lunes en b et en d, ils viennent changer leur carapace en se protégeant des prédateurs dans des trous sur le rivage, de préférence à proximité des palétuviers. C’est la qu’il faut les prendre car après ils commencent à s’ouvrir. Quand ils perdent leur carapace, ils commencent à faire en une nouvelle, ils n’ont plus d’intérêt gustatif car la chair commence à se transformer en une pellicule dure et le peu qu’il en reste est gâché à cause de cette sensation de manger un œuf avec sa coquille.
La pêche au crabe, je l’ai pratiqué plus tard, mais uniquement pour ma consommation personnelle. Je n’avais pas de bateau, pas de nasse, et je n’en avais besoin que de trois ou quatre. On y va à marée basse, soit à l’aide d’un genre de petit rateau à trois dents fabriqué avec du fer à béton soudé, soit directement en plongeant le bras à l’intérieur du trou.
Après avoir testé le rateau d’un gars, j’avais opté pour la manière manuelle. La première fois que l’on envoi la main, on a certains sphincters qui se tétanisent. Je me suis souvent retrouvé avec la joue collé dans la boue vu la profondeur du trou. Le but est de laisser la main dans la vase du conduit qui est plein d’eau, et dès que l’on sent les pattes pointues du crabe, on passe la main derrière lui et on le tire doucement vers la surface. Il ne peut pincer ni sous, ni derrière lui. Le crabe est retourné, le pied du pécheur le maintien au sol alors qu’il lui attache les pinces avec la chambre à air. Je ne les attachais pas et les mettais directement dans un sac en toile. L’histoire du filet ne m’avait visiblement pas servie de leçon. Le temps de rentrer à la cabane, j’allumais le gaz pour faire bouillir l’eau, un coup de couteau à un endroit bien défini pour les tuer net. Si on ne les tue pas, ils souffrent en étant ébouillantés et de plus ils risquent de lâcher leurs pinces et de se vider d’une partie de leur chair. 20 minutes d’ébullition, une vinaigrette, et le cassage de bide est garanti.
Sur le deuxième îlot, j’ai trouvé le faré de fortune qu’un ami avait construit, ou peu être seulement consolidé. Il y était venu faire la pèche avec sa femme est sa fille de 7 ans. Eux par contre avaient une plate, c’est un petit bateau plat en alu qui à peu de tirant d’eau et de plus résiste mieux aux chocs dans les récifs qu’un bateau en fibres. Il est aussi plus facile d’accoster. Du coup, je n’étais pas trop mal installé, il avait fait des bancs et une table.
gA cause du frottement des habits et du sel, je me rinçais à l’eau douce et passais parfois plusieurs heures à poil, pas de problème, j’étais tout seul. La solitude j’en ai besoin. Là, c’était tout de même un peu trop. Les heures ne passaient pas. La levée des filets, la petite baignade, ce n’était pas suffisant pour passer la journée. De plus, le soleil ne permettait pas une exposition prolongée en toute impunité.Le gros problème, ce coup ci, ça a été les moustiques. Une véritable bataille dès le soleil couchant. Les soirs de ravitaillement, j’allumais deux feux alignés avec la passe dans les récifs. La nuit tombait tôt. Mon complice passait au large en continuait sa route jusqu’à ce qu’il ne voit plus qu’un feu, il virait, et venait tout droit vers moi sans encombre. Je me tartinais de crème anti moustiques et restais dans la fumée car ils ne la supportent pas. A force de marcher dans le sable, mes pieds étaient décapés, et donc, plus protégés. La fumée montante ne me les protégeait pas non plus. C’est uniquement à cause de ces piqures là que je rentrais parfois dans la tente avant l’arrivé du bateau, les pieds en feu. Ces bestioles c’est pire que le diable.
Pour le moral, j’avais du bol, je m’étais procuré un petit transistor et la seule station que je captais c’était France culture, mais la journée là bas, c’était la nuit en France. Macha Béranger et ses gents à problèmes, c’était vraiment la poisse. Je me souviens d’un gars qui avait fait un mélodrame car il ne pouvait pas jouer au golf, c’était trop cher pour lui, le pauvre.
Une après midi, une tempête c’est levée, le bateau et venu me récupérer sans prévenir. J’ai ramassé mes affaires et démonté la tente à l’arrache. Je n’ai plus jamais revu ces deux îlots, et je ne les reverrais jamais. Je suis donc parti vers la galérienne aventure suivante.
Du point de vue survie, le premier îlot était petit, plat, tout en sable, une végétation de misère, et, bien sur, pas une goute d’eau. Le deuxième, par contre, avait du connaitre la vie et à coup sur la présence humaine car il y avait la carcasse d’une pompe éolienne édentée qui finissaient de rouiller. Il était beaucoup plus grand et le nom d’île lui serait plus approprié. Il y avait surement de l’eau quelque part au vu des moustiques qui y pullulaient, elle n’était surement pas potable, et, peut être non accessible car dans des failles des roches volcaniques.
Pour faire le point, des années après, je prends conscience des risques que j’ai pris. La fameuse trousse de secours, je n’en ai jamais eu, et ce tout les temps où je suis resté sur les îlots ou même quand j’étais isolé dans des coins perdus. De toutes manières, si j’avais été gravement blessé et que j’avais du attendre deux jours pour être secouru, je ne serai surement pas en train d’écrire ces lignes. Le bon vieux principe de précaution en vigueur dans pas mal d’institutions Françaises, j'étais loin de l'appliquer. Mais quelle aventure !!!
Ce que je retiendrai de ces trois ans, ce sont beaucoup de souvenirs. J’aurais vraiment raté quelques choses ci j’étais resté pépère avec un plant de carrière en France ( un plant de carrière ). A mon retour, je pesais 20 kg de moins qu’à mon départ, perdu seulement dans la deuxième moitié de mon périple. Je tiens à préciser qu’avec ce poids en moins, je n’ai jamais eu autant la forme. 8 jours avant mon vol, j’ai eu un accident dans la brousse et j’ai été opéré de la main. Dans le cirage et avec des cheveux (normalement, j’avais toujours la boule à pas beaucoup). Certaines personnes ne m’ont pas reconnu. Je suis rentré avec deux valises. J’avais 34 ans et rien. Il a fallu remonter la pente. Je suis reparti deux mois après hors C E. pour deux ans en demi. Il y a encore eu du sport.
PS: Le sujet sur la stérilisation est prêt, mais je viens d’oublier mon appareil numérique dans la famille. Le temps qu’il revienne chez (x), que (x) le donne à (y), et que (y) rentre de vacances et me le rapporte, il y en a encore pour un bon moment.
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